Lettre d´information N°35 - Éditorial (Suite)

C’est dire que la position abolitionniste (la prostitution est une exploitation, les prostituées sont des victimes, il faut poursuivre les proxénètes et pourquoi pas demain les clients ?), déjà position officielle de la France (un peu écornée par le précédent gouvernement qui avait introduit le délit de « racolage passif »), s’en trouve renforcée au grand dam des « réglementaristes » ou « non-abolitionnistes » (Reconnaissance de la prostitution comme métier avec encadrement de son exercice et protection des intérêts des prostituées).


Que penser de cette évolution ? Dans le cadre de cet article en tant qu’acteurs de la Prévention des violences sexuelles dans le champ des auteurs (l’ une de nos six missions !) nous nous contenterons de « tordre le coup » à une idée encore répandue selon laquelle la prostitution constituerait comme un mal nécessaire, contribuant à l’ apaisement des mœurs en permettant de prévenir les agressions sexuelles tellement les besoins sexuels des hommes seraient irrépressibles. Cette idée un peu honteuse car de moins en moins exprimée publiquement (les féministes sont passées par là !) continue pourtant à induire cette relative tolérance de nos contemporains vis à vis de la prostitution tant qu’elle ne s’exerce pas en bas de chez eux. Entretenir de telles pensées c’est à la fois faire la part belle à un héritage de plusieurs siècles de patriarcat où les soi-disant besoins sexuels (aussi « naturels » et vitaux que manger et dormir ?) des « mâles dominants » doivent à être satisfaits par des femmes à leur service et c’est surtout se méprendre totalement sur ce qui est en jeux dans les agressions sexuelles. Nos expériences cliniques l’attestent, les viols, en dehors de situations extraordinaires où le contexte externe peut jouer un rôle majeur (guerres etc…), ne sont pas les conséquences d’une quête effrénée et sauvage de plaisir sexuel mais, le plus souvent, la fuite en avant dans des passages à l’acte de sujets carencés, en proie à de gros problèmes identitaires, pour qui l ’emprise et la domination par la violence sexuelle constituent une solution provisoire dans leur tentative de restauration narcissique. Nous pouvons à contrario affirmer que le développement de la prostitution encourage les pressions sexuelles à la fois à l’encontre de toutes les femmes (celles-ci, pour ce qui est de l’image ainsi véhiculée, continuant de représenter de potentiels objets de consommation) et surtout à l’encontre des prostituées elles-mêmes (Au Canada le pourcentage de prostituées déclarant avoir été violées plus de cinq fois au cours de leur activité est de 67%, de 50% en Allemagne).


La mondialisation aidant, le trafic de la traite des êtres humains constitue le troisième marché parallèle le plus lucratif après celui des armes et celui de la drogue. 80% des prostituées « visibles » sont aujourd’hui, en France, des étrangères (Europe de l’est, Afrique sub-saharienne). La prostitution par internet est en pleine expansion contrôlée à 60% par des « agences spécialisées ». Dans un tel contexte les déclarations de nos ministres et parlementaires font figurent de résistance et méritent d’être saluées même si les défis sont immenses au regard des intérêts de toute sorte en jeux, d’autant plus quand il s’agira de passer des paroles (les lois) aux actes…

 


    Mentions Légales    Crédits    Plan du site