Lettre d´information n°2 - suite

Un plan de prévention de la récidive concerne t-il les soignants ?

Le Ministère de la Santé reste très mobilisé autour de la question du développement des soins à destination des auteurs d´agressions sexuelles. Actuellement est mis en place, par le Ministère de la Santé, une réflexion autour d´un plan de prévention de la récidive. En quoi, nous les soignants sommes concernés par une prévention de la récidive qui, est avant tout un concept de droit pénal ? Les soignants ont-ils à être mobilisés sur un tel thème qui nous instrumentaliserait comme auxiliaire de justice, ce qui ne saurait faire partie de nos missions sauf à l´inscrire clairement dans une nouvelle définition ? N´avons-nous pas affaire ici à une forme d´emprise d´une position judiciaire, versant sécuritaire, sur le champ de la Santé ?

Cette question est actuellement particulièrement sensible quand on sait que l´injonction de soin est étendue, et cela de manière quasi automatique, à l´ensemble des violences aggravées faites aux personnes. On perçoit bien que cette question dépasse largement les auteurs de violences sexuelles et peut faire craindre une soumission des objectifs sanitaires à une idéologie sécuritaire. Le soin est-il un remède à toutes les violences ? Tout auteur de violences physique est-il un malade psychiatrique ? Ainsi posée, la question connaît une seule réponse, celle négative. Peut-il en aller de même pour les agressions sexuelles ? Ici, la question se complique singulièrement.

Tout d´abord parce que l´ensemble des études internationale indiquent qu´il n´y a aucune correspondance terme à terme entre auteur de violences physique et auteur de violences sexuelles. Peu de psychopathes sont des auteurs de violences sexuelles, sauf les violeurs violents. Si la violence physique relève souvent d´une structure psychopathique, c´est peu le cas des violences sexuelles. La violence sexuelle, plus que de la perversion, relève principalement d´une pathologie des agirs. L´acte d´agression sexuelle est ainsi le signe pathologique de l´aboutissement d´un dysfonctionnement précoce de l´environnement proximal premier du sujet AAS. Véritable stratégie de survie psychique, fut-il organisée secondairement sous une forme perverse, l´acte d´agression sexuelle relève de l´utilisation d´une part de l´environnement externe (la victime) pour suppléer l´impossible régulation interne non mise en place au décours du développement psychique ou dysfonctionnelle à ce moment précis de son histoire. N´avons-nous pas affaire à une forme pathologique de régulation psychique où l´autre (la victime) est utilisée à ses dépends strictes faute d´avoir d´autre moyens à mettre en œuvre. Compte tenu de ce mécanisme, ici lapidairement évoqué, sans appui thérapeutique le sujet AAS a peu de possibilités internes d´acquérir des moyens de transformation de son fonctionnement psychique. Enfin, un point doit particulièrement retenir notre attention, c´est le poids social et sanitaire d´une reprise, chez un sujet AAS, d´une activité délinquantielle. On commence à apprécier actuellement, en terme de Santé Publique, le coût que représente les séquelles des agressions sexuelles pour les victimes. Toute agression sexuelle se traduit pour la victime par des troubles à court, moyen, long et très long termes (trangénérationnalité). Ces troubles représentent certainement un coût occulte (gris) difficilement évaluable, tant le rapport cause-effet est souvent dissimulé par la victime qui, le plus souvent, cherche à « oublier » les actes d´agressions. Ainsi, ces coûts viennent certainement grever un potentiel de soins destiné à l´ensemble de la population.

Pour ces quelques raisons, bien trop rapidement évoquées, il est important que les soignants prennent en compte la question de ce que la justice nomme la récidive, non pour devenir des auxiliaires de justice mais bien pour entendre le signe de souffrance cachée de ceux qui l´agissent, pour sauvegarder ceux qui en sont l´objet et enfin, en terme citoyen, pour participer à la régulation des coûts de Santé Publique dont, d´une certaine façon, en démocratie, chacun est comptable.

A. Ciavaldini
Directeur du CRIAVS Rhône-Alpes

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