Témoignage des médecins coordonnateurs

Pour les médecins coordonnateurs, la Loi de 98 évoque un meilleur suivi pour les auteurs de violences sexuelles avec un réel suivi pluridisciplinaire et une meilleure articulation entre justice, social et santé pour accompagner la sortie de prison.

Ce qui est nouveau dans celle loi, pour eux, c’est qu´elle vise la prévention de la récidive des auteurs de violences sexuelles sur mineurs. Elle systématise l’injonction de soin assortie au suivi socio-judiciaire. Elle introduit le médecin coordonnateur comme interface entre soignants et Justice et Administration Pénitentiaire, ce qui permet une non rupture du secret professionnel par l’adresse au médecin coordonnateur, fonction à mi-chemin entre l’expertise (rapport annuel) et la posture soignante (donne son avis sur le soin)

L’esprit de cette loi promeut également une égalité de l’accès aux soins, ce qui n’était pas pris en charge par les professionnels de la santé jusqu’alors.

Pour la plupart, cette pratique de médecins coordonnateurs est venue par intérêt personnel, et par motivation intellectuelle. Les médecins interrogés soulignent les formations nécessaires sur la question des agresseurs sexuels pour approfondir l’impact et les effets de cette loi sur leur fonction et leurs pratiques professionnelles. Lors de ces formations, les soignants découvrent une richesse clinique, travaillent les représentations sur les criminels et les délinquants. C’est un voyage au cœur de l’humain. Le travail santé/justice est primordial et nécessaire.

Ces pratiques et cette clinique sont récentes en psychiatrie finalement. Les réseaux professionnels « informels » concomitants à l’apparition de la Loi ont pu les mobiliser sur ces pratiques par ailleurs.

 
La loi du 17 juin 98 permet un accompagnement en fin de peine de prison. Les patients continuent de s’inscrire dans un suivi psychiatrique à leur sortie de prison, ce qu’ils ne feraient certainement pas sans y être obligés. Pour autant, s’il n’y a pas eu de travail thérapeutique en prison, le soin reste difficile à mobiliser par la suite.

S’il n’y avait pas eu la loi du 17 juin 1998 : il n’y aurait pas de prises en charge d’AVS actuellement. Pour autant, il y a un manque de formation des jeunes psychiatres qui sont peu sensibilisés à la médecine légale : ainsi l’application de cette loi reste problématique car il est difficile de trouver des soignants impliqués et formés, du fait de méconnaissance du cadre de travail et des pratiques. Les interviews soulignent un manque de thérapeutes sur le terrain : cette clinique peut faire peur. Ce dispositif peut sembler théorique, ou du moins très dépendant de l´intérêt porté par les thérapeutes à cette question, intérêt qui n’apparait pas comme primordial parmi les psychiatres pour toutes sortes de raisons, dont la gestion de la psychiatrie en général par les différents gouvernements. Le législateur ou le pouvoir politique ne s´intéressent pas à la psychiatrie hormis par effets d´annonce ou de médiatisation lors d´un drame, notamment en ce qui concerne les violences jusqu’alors.

Les moyens pour les soins demeurent insuffisants pour rendre pleinement efficient le dispositif du fait de la spécificité des auteurs de violences sexuelles.

Les peines de suivi sont souvent longues souvent trop longues. Il faudrait réactualiser le suivi socio-judiciaire en sortie de prison. Globalement, sauf pour certaines personnes, au-delà de 5 ans, il faudrait que ce soit argumenté. Parler avec le patient, de la possibilité de la fin du suivi socio-judiciaire, c’est aussi reconnaitre le cheminement du patient, parfois éprouvant, et arriver à lâcher prise, ouvrir aussi la thérapie. Comment demander aux personnes de se réinsérer, si on remet toujours le
suivi socio-judiciaire sur la table ?
Il ne s’agit en aucun cas d’annuler les actes, et ces réflexions sont au cas par cas.

Un certain nombre de personnes continuent leur suivi après la fin de leur obligation. La personne placée sous matin de justice peut rester assez factuelle ou limitée pour verbaliser ses émotions dans le cadre du soin. Elle peut décrire la qualité de l’investissement dans le soin mais il semble difficile de décrire ce qui avance pour elle. Les CMP sont ainsi,  l’occasion de se confier, de parler de soi à l’extérieur. Des liens se créent, et la possibilité d’interpeller le soin existe alors. Dans ce cadre, les réunions clinique de pole et les réunions de concertation avec les soignants restent donc essentielles.

Les professionnels du soin ont la chance d’avoir une bonne relation avec les magistrats : ces derniers ne sont pas intrusifs, ils ne cherchent pas à transgresser le secret professionnel, il y a une réelle confiance réciproque.

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